Loup de Gubbio, version moderne

Publié le par Elisa

La légende dit qu'à l'époque où François d'Assise séjournait à Gubbio, un loup rôdait et dévorait les animaux et les hommes du village. Pris de compassion pour les villageois et contre l'avis de tous, François alla trouver le loup et parvint à le pacifier: il lui promit qu'il recevrait de la nourriture et, en échange, le loup promit de ne plus attaquer personne. Ainsi apprivoisé, le loup pouvait circuler dans le village et entrer dans les maisons où il était désormais nourri.
 
Cette histoire me fait penser non seulement à la domestication du chien il y a 15 000 ans, mais aussi et surtout aux découvertes récentes de l'éthologie qui montrent qu'il n'y a pas l'animal d'un côté et l'homme de l'autre: l'animal qui vit au voisinage de l'homme a un comportement influencé par le regard que ce dernier porte sur lui. Il y a de l'interdépendance... Si l'homme pense que l'animal est idiot, l'animal fera l'idiot car l'homme n'imaginera pas le mettre devant des situations complexes susceptibles de lui permettre de développer son intelligence. Inversement, si l'homme pense que l'animal est intelligent, l'animal deviendra effectivement plus intelligent. Simplement parce que l'image que l'homme a de l'animal influence les conditions dans lesquelles ce dernier vit.

Illustrons cela avec un exemple parmi de nombreux. Les tests classiques de conditionnement en laboratoire demandent, par exemple, au chien de pousser sur un levier quand une lumière s’allume. À force de répéter ce geste à longueur de journée, le chien finit par devenir stupide et l'homme confirme son image stupide du chien, proche d'une mécanique à ressort. En réalité, ce procédé pose au chien des questions dont l'homme a le contrôle des réponses mais qui n'intéressent nullement l'animal.

Rompant avec cette tradition et bouleversant les idées reçues sur les communications homme-chien, l'éthologiste
César Ades s'est tourné vers ce qui intéressait l'animal, plutôt que l'homme. Il a ainsi appris à la jeune chienne Sofia à exprimer ses désirs, par l'intermédiaire d'un lexigramme: ce clavier présente différents symboles, chacun associé à un désir canin. Par exemple, un triangle bleu signifie "j’aimerais aller promener", un rond rouge "j’aimerais une caresse", un carré vert "j’aimerais des croquettes", etc. Désormais, quand Sofia a faim, elle pose sa patte sur le carré vert... 

Comprenons-nous bien... Ce n'est pas uniquement l'image que l'homme se fait de l'animal qui change: c'est l'intelligence de ce dernier qui évolue réellement, grâce à l'homme. Ainsi, en quelques années, les animaux ont acquis bien plus de compétences qu'ils en avaient gagné au cours de l'histoire. Bref, l'animal peut devenir plus intelligent et plus social au contact de l'homme, si ce dernier choisit de lui faire confiance et de lui laisser une chance. François l'avait sans doute bien pressenti...
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